Avant même la pandémie, les économistes discutaient de la fin de l'argent tel que nous le connaissons. Pendant et après l'épidémie de COVID-19, de nombreux paiements sont devenus électroniques pour minimiser la propagation de l'infection. La pandémie a entraîné la fermeture des succursales bancaires et de nombreuses entreprises sont devenues complètement sans argent liquide. La Suède et le Royaume-Uni sont deux exemples qui peuvent nous donner des perspectives et des enseignement sur cette tendance.

Les conséquences d'une Suède sans argent liquide

La Suède, l'un des pays leaders en technologie, est maintenant pratiquement entièrement sans argent liquide. Le processus a commencé en 2018, lorsque environ 1 % du produit intérieur brut du pays circulait sous forme d'argent liquide, tandis que le reste de la zone euro en avait 11 %.

En mars 2023, la Suède est allée encore plus loin et a introduit une loi sans précédent qui autorise désormais les commerçants à refuser l'argent liquide et à n'accepter que les paiements électroniques de leurs clients, et cela même si l'argent liquide est un moyen de paiement parfaitement légal dans le pays.

Une économie numérique est moins coûteuse à gérer

De nombreuses entreprises, en particulier les plus petites, préfèrent ce système électronique car il semble moins honéreux que de manipuler de l'argent liquide. Le traitement de celui-ci comprend le comptage de l'argent, la manipulation de la monnaie, le paiement des entreprises de transport de fonds, et les primes d'assurance sont plus élevées pour les commerçants en argent liquide en raison des risques associés à la manipulation de grands montants.

De plus, non seulement le système suédois sans argent liquide est populaire auprès des commerçants et des entreprises en raison d'une meilleure sécurité et commodité, mais les consommateurs en profitent également. Plus de 60 % de la population utilise une application de paiement appelée Swish, lancée dès 2012, et de nos jours, toutes les grandes banques en Suède prennent en charge cette application.

De multiples effets secondaires posent problème

Malgré toutes les commodités des paiements électroniques, et bien que la Suède soit considérée comme un exemple de supériorité scandinave, les choses pourraient ne pas être aussi bonnes pour la Suède et son système sans argent liquide que cela nous est souvent présenté.

Un rapport de 2019 oublié par un organisme de surveillance britannique, Access to Cash, a utilisé la Suède comme exemple pour montrer les "dangers de sombrer dans une société sans argent liquide". Le rapport a révélé que l'étendue du plongeon du pays dans un système sans argent liquide n'était pas planifiée et que le système ne fonctionnait pas de manière efficiente pour certains.

Il existe une partie de la population suédoise qui s'oppose à la perte d'argent physique. Ce secteur de la population tend à être plus âgé, plus riche et à se regrouper dans des régions définies. Les principales organisations de retraités affirment que leurs membres ont besoin d'aide pour se souvenir des mots de passe et des codes PIN, et de plus, ils ne font pas confiance à la sécurité des transactions électroniques.

Les personnes à faible revenu estiment également avoir moins de contrôle sur leurs finances, et les habitants des zones rurales n'ont pas accès à l'infrastructure nécessaire pour les paiements numériques.

La fermeture des succursales bancaires est une autre limite introduite par un système sans argent liquide. Cela oblige les clients à parcourir de longues distances pour déposer leur argent.

Des experts financiers mettent en garde contre le chaos potentiel

L'argent contrôlé par la banque centrale fournit le cadre de la stabilité financière d'un pays - il garantit la valeur de la monnaie. L'argent numérique n'est pas (encore) soutenu par une banque centrale.

Rainer Böhme, professeur spécialisé dans les monnaies virtuelles à l'Université d'Innsbruck en Autriche, a expliqué :

"Si vous avez de l'argent virtuel dans un intermédiaire privé [une banque commerciale ou une application comme Swish], il n'y a pas de lien directe avec la banque centrale. Si cet intermédiaire fait faillite ou devient malveillant, les consommateurs ont moins de protection."

De plus, la population suédoise pourrait ne plus avoir accès à la monnaie émise par la Riksbank, la banque centrale de Suède. Or, la monnaie émise par un État est la forme de monnaie la plus sûre qui soit.

Selon certains experts financiers, une économie suédoise sans argent liquide et sans stabilité de la banque centrale pourrait ainsi se diriger vers un chaos financier.

En 2019, le gouvernement suédois a adopté une loi qui protège l'argent liquide en obligeant les banques à garantir un accès facile aux distributeurs automatiques de billets. Cependant, certains experts estiment que cette loi n'améliorera pas la situation car la plupart des détaillants préfèrent de toute façon les paiements numériques et ne sont plus obligés d'accepter l'argent liquide. Une étude récente du Retail and Wholesale Council (Conseil suédois du commerce) affirme que plus de 50 % des commerçants n'accepteront aucun argent liquide après 2025.

La Riksbank a lancé un programme pilote de monnaie électronique pour contrôler l'économie numérique du pays.

Malgré l'augmentation de l'utilisation des paiements sans contact, l'argent liquide résiste au Royaume-Uni

L'augmentation des paiements sans contact pour de petits montants

Les paiements sans contact ont explosé ces dernières années. Depuis 2017, les paiements en espèces ont diminué en moyenne de 15 % par an. Cette tendance s'est accentuée à 35 % pendant le pic de la pandémie.

De nombreux petits commerces comme les pubs et les cafés n'acceptent que des options de paiement sans argent liquide dans la plupart des grandes villes.

Cependant, certains experts estiment que les paiements sans contact au Royaume-Uni sont limités aux transactions de faible valeur, généralement entre 25 et 30 livres sterling.

Le rôle de l'argent liquide avec la crise du coût de la vie

On a noté une augmentation récente des retraits d'argent liquide aux distributeurs automatiques depuis le début de la crise du coût de la vie au Royaume-Uni. Pour de nombreuses personnes, l'argent liquide est considéré comme un moyen de contrôler leurs montants d'achats et de mieux gérer leur budget.

Tout comme en Suède, les personnes âgées constituent également un groupe démographique important qui dépend fortement de l'utilisation de l'argent liquide. En 2019, une recherche au Royaume-Uni a montré que plus de 53 % des personnes âgées de 75 ans et plus préféraient utiliser l'argent liquide. De plus, les personnes à revenu faible, dont beaucoup sont également des retraités, utilisent l'argent liquide pour gérer leur budget.

La lutte pour maintenir l'argent liquide comme moyen de paiement

Beaucoup sont loin d'être persuadés que l'argent liquide devrait disparaître au Royaume-Uni. Des recherches montrent que 85 % du public considèrent l'utilisation de l'argent liquide comme un "droit humain fondamental". Au Royaume-Uni, il y a une plus grande résistance à l'élimination de l'argent liquide, et beaucoup pensent que les consommateurs devraient avoir le choix de la manière de payer.

Payment Choice Alliance est une organisation au Royaume-Uni qui milite pour la poursuite de l'acceptation du liquide comme paiement dans les commerces. Ils estiment que celui ci n'est certainement pas mort et qu'il y aura toujours une place pour une économie basée sur l'argent liquide. Les cmmerçants ne devraient pas être autorisés à imposer la manière dont les consommateurs devraient payer.

Cette organisation est l'une des nombreuses au Royaume-Uni qui demandent au gouvernement de mettre en place une législation garantissant le choix des paiements. Cette législation garantira que l'argent liquide est accepté par les détaillants et que l'infrastructure existe pour le soutenir. La France et la Norvège ont déjà des lois protégeant les paiements en espèces.

Une économie sans argent liquide crée aussi un risque potentiel pour les entreprises. Les organisations qui luttent pour les transactions en espèces estiment que les banques et les sociétés de cartes pourraient monopoliser une économie uniquement basée sur les paiements électroniques en augmentant les frais de transaction, mettant ainsi une pression financière indue sur les petites entreprises. Les commerçants devraient être libres de choisir comment opérer sans se mettre à la merci des grandes corporations financières mondiales.

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