Benjamin est devenu un nouveau citoyen américain cet été, posant fièrement avec son certificat de citoyenneté et portant son masque (aux couleurs du drapeau américain), un marqueur de la pandémie de Covid-19 en 2020. Si les cérémonies de citoyenneté sont souvent médiatisées, c'est rarement le cas pour les décisions des individus de renoncer à leur citoyenneté. Au cours des derniers mois, certains médias ont fait état d'une vague de renonciations au premier semestre de cette année, près de 6000, soit plus du double de l'année dernière. En réalité, il est impossible de faire une comparaison car en raison de la crise du Covid-19, les ambassades américaines ont cessé d'enregistrer les renonciations ce printemps, et les experts pensent que les chiffres des années précédentes auraient aussi pu être sous-déclarés.

Les réformes fiscales ont donné des cauchemars aux expatriés américains

Cependant, nous ne pouvons pas contester qu'il y a un mouvement qui a été clairement montré avec un graphique publié par Bloomberg basé sur des données officielles : jusqu'en 2009, le nombre de personnes renonçant à leur citoyenneté était à peu près similaire, environ 750 par an. Mais tout a changé en 2010 avec plus de 1 500 renonciations, près de 3 000 personnes en 2013 et 5 409 en 2016. Et après un décompte erratique au cours des 3 dernières années, plus de 5 800 Américains ont renoncé à leur citoyenneté durant uniquement les six premiers mois de 2020!

Oui, certaines personnes pourraient être motivées par leur amour avec un autre pays, ou pour des raisons politiques, ou simplement parce qu’elles ne se sentaient pas en adéquation avec la culture des États-Unis. Cela peut expliquer bon nombre des centaines de renonciations chaque année jusqu'en 2009.

Mais il y a une explication claire à la forte augmentation des 10 dernières années : en 2010, l'administration Obama a adopté la Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA), qui oblige toutes les institutions financières étrangères non américaines (FFI) à rechercher dans leurs registres tous les clients potentiellement en connexion avec les États-Unis, y compris dans les registres de naissance ou de résidence antérieure aux États-Unis, et de déclarer les actifs et l'identité de ces personnes au Département américain du Trésor. En outre, ces personnes doivent déclarer leurs actifs financiers non américains chaque année au bureau des impôts américain (Internal Revenue Service - IRS).

L'objectif de la FATCA était à l'origine de détecter les comptes financiers non américains des contribuables résidents américains qui ne déclaraient pas leur patrimoine. Cependant, un effet secondaire (involontaire ?) est qu'il s'applique également aux 9 millions de citoyens américains résidant en dehors des États-Unis, et affectant également les membres de la famille et les partenaires commerciaux non américains qui partagent des comptes avec des personnes américaines.

Cela a non seulement coûté des milliards à de nombreux pays à travers le monde avec leurs entreprises forcées de mettre en œuvre la réglementation américaine, mais cela a aussi créé beaucoup plus d'obligations pour les expatriés américains, exigeant de fournir de nombreux documents supplementaires et de remplir de plusieurs déclarations, ce qui a même été qualifié d'illégal dans certains pays européens (oui, la FATCA ne respecte pas la législation européenne sur la confidentialité et la protection des données, ni les exigences de l'UE limitant le partage de données, mais les citoyens américains qui ne s'y conforment pas risquent plus de 100.000 dollars d'amende et de laprison).

Pour les riches expatriés américains, le moyen le plus simple est de faire appel aux services d'un avocat fiscaliste américain; mais vous pouvez imaginer le fardeau créé pour une famille américaine de la classe moyenne vivant à l'étranger avec un compte bancaire étranger et propriétaire d'une petite maison. Et cela sans même considérer que l'obligation FATCA a aussi souvent amené les institutions financières étrangères à ne plus vouloir accepter les citoyens américains comme client.

Comme Bloomberg l'écrit :

"Les États-Unis sont presque uniques au monde en ce qui concerne la taxation basée sur la citoyenneté plutôt que sur la résidence. Ils sont aussi particulièrement bonrés en étant incapables ou peu disposés à faire la distinction entre, par exemple, un riche État américain vivant du côté de l’État Américain de la classe moyenne marié à une enseignante d'une école primaire allemande à Berlin."

Les étapes pour renoncer à la citoyenneté américaine: une procédure très coûteuse

Pour tous ceux qui sont nés aux États-Unis, la citoyenneté est gratuite (y compris les soi-disant «Américains accidentels», ceux qui ignorent qu'ils ont la citoyenneté américaine ... et pourraient donc aller en prison pour ne pas avoir déclaré leur impôt à l'IRS). Mais renoncer à la citoyenneté américaine est très coûteux. Vous devrez payer 2 350 $ pour la procédure et devrez également vous rendre dans un consulat américain pour l'entretien et prêter le serment de renonciation. Cela s'ajoutera souvent au coût que vous paierez pour obtenir des conseils et des services juridiques, car le processus est complexe.

Les frais les plus chers au monde

Avant 2010 et la FATCA, les frais de renonciation représentaient un total général de ... 0 $. C'est ensuite monté à 450 $ et a augmenté de 422% à 2350 $ en 2014 (les frais les plus élevés au monde pour renoncer à la citoyenneté, affirme Forbes). Cependant, cela n'a pas empêché les Américains résidant à l'étranger de renoncerà leur citoyenneté. Dans le même temps, l'Union européenne a adopté une législation imposant de nouvelles règles sur de nombreux produits financiers, des actions à l'assurance-vie (MiFID II en 2018 et PRIIPs), ce qui a rendu très difficile voire impossible d'acheter des produits cotés aux États-Unis soit parce qu'ils nécessitent plus d'investissements, soit parce qu'ils deviennent imposables aux États-Unis (pour plus d'informations, voir l'article de l'American Expat Financial News Journal).

L'ironie est que si les Républicains demandent depuis 2016 l'abolition de la FATCA (sans rien faire) et que les 3 premières années de la présidence de Trump ont montré une diminution du renoncement, la politique erratique du gouvernement américain a maintenu à des niveaux élevés le nombre annuel d'Américains à l'étranger abandonnant leur citoyenneté (il semble sage de prendre la moyenne des chiffres des 4 dernières années au lieu des chiffres annuels pour établir des comparaisons, en raison des récents arriérés). Et la grande majorité des expatriés américains devraient voter Biden le mois prochain, malgré le fait que les démocrates n'aient exprimé aucun soutien pour alléger leurs cauchemars fiscaux.

De nombreuses déclarations d'impôts

En plus des frais, et potentiellement beaucoup plus coûteux, vous devrez déclarer et rembourser des impôts si vous n'avez pas été conforme aux règles fiscales au cours des 5 années précédentes. De plus, si vous avez encore une source de revenus aux États-Unis (par exemple une propriété louée), vous devrez toujours produire une déclaration de revenus, même si vous n'êtes plus citoyen américain. Il y a un impôt supplémentaire à payer si vous êtes riche avec un revenu élevé (appelé «Covered Expat») et vous devrez peut-être payer une «Exit tax», sur les gains en capital dépassant 725 000 $.

Le processus de renonciation à la nationalité américaine (également appelée «acte d'expatriation») [NB: il y a deux mots, relinquish ou renounce - en pratique, c'est la même chose, cela se termine par le paiement de 2350 $ pour les frais de procédure, la différence étant rétroactive dans certains cas pour la procédure de relinquish] est expliquée en détail sur le site OnlineTaxman, avec 6 étapes répertoriées :

1. Acquérir la citoyenneté d'un autre pays (il existe une infographie utile de MoveHub présentant les pays du monde entier et leur position sur la double nationalité)
2. Soyez à jour sur vos taxes américaines.
3. Vous devrez remplir le formulaire appelé «Request for Determination of Possible Loss of US Citizenship», également connu sous le nom de formulaire DS-4079 avec le questionnaire sur la perte de citoyenneté.
4. Prenez rendez-vous avec l'ambassade ou le consulat des États-Unis en ligne (vous devrez généralement vous présenter à deux rendez-vous différents pour être interviewé).
5. Assistez à votre rendez-vous de renonciation qui consiste en un entretien avec le fonctionnaire consulaire ou diplomatique.
6. Produisez votre dernière déclaration de revenus aux États-Unis (formulaire Form 1040 et 1040NR - avec NR comme non-résident, si vous êtes un Covered Expat, formulaire IRS 8854, si vous avez des comptes à l'étranger de plus de 10000 USD, vous devrez remplir le FBAR et le formulaire 8938. ..).

L'impôt est la principale motivation des expatriés Américains depuis 2010 pour renoncer à leur citoyenneté. Quatre ans de présidence Trump ont laissé beaucoup d'entre eux avec un sentiment de déconnexion et de manque de compréhension à la fois sur la politique internationale américaine et en termes de changement climatique, et en interne avec la montée de la confrontation et du racisme dans une société divisée. L'élection de novembre va-t-elle déclencher une nouvelle vague de renoncement pour les expatriés américains, ou au contraire renforcer les liens avec leur pays? On le saura bientôt ...

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