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Décès de la reine Elizabeth II : à propos des manifestations et de l'avenir de la monarchie britannique dans le monde



Après un règne de 70 ans, la reine Elizabeth II est décédée le jeudi 8 septembre 2022 à l'âge de 96 ans. A côté du deuil compréhensible, il y a des questions qui peuvent se poser concernant l'avenir de la monarchie britannique dans le monde, ainsi que des inquiétudes sur la manière dont les autorités britanniques ont traité les quelques protestations.



Des critiques sur la couverture médiatique

Oubliez la crise énergétique, la guerre en Ukraine, le changement climatique, les événements internationaux... il n'y a qu'une seule chose qui mérite d'être évoquée : la mort de la reine. 90% de l'actualité est consacrée à la monarchie depuis jeudi 8 midi sur la BBC, et cela devrait se poursuivre au moins jusqu'à la fin de la cérémonie funéraire. Dans le passé, la BBC a reçu des plaintes concernant sa couverture étendue des événements royaux.

Selon The Independent, en avril dernier, ils ont reçu plus de 100 000 plaintes concernant leur couverture de la mort du duc d'Édimbourg, ce qui en fait la programmation la plus critiquée de l'histoire de l'organisation. De nombreuses personnes ont contesté l'étendue de la couverture que l'organisation accordait au décès, en annulant tous les programmes habituels. Toutefois, à l'opposé, le présentateur de la BBC Peter Sissons fut sévèrement critiqué par le public pour avoir porté une cravate marron (et non noire !) lorsqu'il a annoncé la mort de la reine mère en 2002.

Le quotidien britannique The Guardian, souvent considéré comme républicain (et donc moins révérencieux par rapport à la monarchie britannique), bien que consacrant une large couverture aux funérailles de la reine, a également publié plusieurs articles affichant des points de vue alternatifs. Ainsi, Clive Lewis, député de Norwich South et ancien ministre du cabinet fantôme, a déclaré au journal que sa pensée première à l'idée que des personnes fassent la queue pendant plusieurs heures pour défiler devant le cercueil de la reine était "de la perplexité suivie d'une touche de désespoir". La "vérité fondamentale" sur la monarchie, a-t-il soutenu, est son rôle de distraction nationale. Il a aussi ajouté:

"Cela peut nous fournir un moyen symbolique de reconnaître le sacrifice et l'engagement des autres envers la société - mais la monarchie elle-même ne risque rien et ne souffre pas, ormis la possibilité de faire l'objet de ragots et de commérages qui touchent les célébrités. Au travers de tout cela, elle reste l’épine dorsale d’une structure de pouvoir qui remonte à ses racines féodales."

Dans un autre article, Euan Ritchie (professeur d'écologie et de conservation de la faune en Australie) se demande pourquoi la mort de la reine a reçu une couverture médiatique aussi étendue alors qu'au même instant l'avenir de la planète est largement ignoré. Il fait remarquer qu'un jour seulement après la mort de la reine, une nouvelle étude a averti sur les dangers de dépasser les 1,5 ° C de réchauffement climatique, évoquant même le risque de l'extinction de l'humanité, et pourtant cela a été la plupart du temps ignoré.

Graham Smith, porte-parole de Republic, qui fait campagne pour remplacer la monarchie par un chef d'État élu, a déclaré :

"Il y a un fort appétit de la part de nombreuses personnes [sur le sujet de la mort de la reine], mais il y aura un moment où les gens sentiront que ça va trop loin ou que ça dure trop longtemps. Il y aura beaucoup de gens qui passeront à Netflix et à d'autres chaînes de streaming".

Des manifestants arrêtés et censurés

Un petit nombre de médias a pourtant parlé des manifestants qui ont été arrêtés pour avoir seulement tenu une pancarte ou pris position contre la monarchie. Une femme a été arrêtée et menottée à Édimbourg le week-end dernier pour avoir tenu une pancarte affichant : "Merde à l'impérialisme, abolissez la monarchie". Un porte-parole de la police a déclaré qu'elle était à l'origine d'une atteinte à l'ordre public. À Oxford, la même chose est arrivée à Symon Hill qui a seulement crié : "Qui l'a élu ?" après la lecture de la proclamation du roi Charles III.

M. Hill a déclaré que des policiers lui avaient dit qu'ils agissaient en vertu de la loi de 2022 Police, Crime, Sentencing & Courts Act (la loi extrêmement controversée adoptée plus tôt cette année par le gouvernement britannique, qui permet à la police d'arrêter des manifestants pour tout ce qui peut être considéré comme une nuisance à l'ordre publique et causant "harcèlement, inquiétude ou désarroi"). Toutefois, la police a déclaré plus tard qu'elle avait agi sur la base d'un texte de loi beaucoup plus ancien : l'article 5 de la loi anglaise sur l'ordre public de 1986, qui condamne la "violation de la paix [publique]" (et son équivalent en Écosse, appelé section de la loi de 2010 sur la justice pénale et les licences, section 38).

Une femme qui tenait une pancarte "Abolition de la monarchie" lors de la proclamation de roi à Édimbourg a également été inculpée. Devant le parlement lundi matin, une autre femme tenant un panneau indiquant "Pas mon roi" a été déplacée par la police (elle n'a toutefois pas été arrêtée à cette occasion).

Dans The Guardian encore une fois, Zoe Williams a expliqué que si être républicain en Grande-Bretagne était autrefois parfaitement respectable, au fil des ans la conversation s'est progressivement rétrécie, de sorte que seul l'expression d'une adoration totale est maintenant tolérée. Mark Townsend a déclaré: "En tant que personne qui croit que la monarchie est un concept dépassé qui compromet notre droit démocratique et est associé au colonialisme, je suis soudainement transformé en méchant pour avoir décidé de ne pas célébrer cet aspect de la vie de la reine."

Le média web The Conversation explique :

"Il est important de noter que ni le Royaume-Uni ni l'Australie ne protègent la monarchie contre les critiques. Ceci est important car dans certains pays (comme la Thaïlande), c'est un délit d'insulter le monarque. On les appelle des lois de "lèse-majesté" - un terme français signifiant "faire du tort à la majesté". La police au Royaume-Uni et en Australie ne peut donc pas utiliser des infractions à l'ordre public (telle qu'une atteinte à la paix) pour limiter illégalement la critique publique de la monarchie". Cependant, c'est exactement ce que la police a fait à plusieurs reprises.

Et le présentateur de LBC, Andrew Marr, a exprimé avec une inhabituelle virulence sa profonde inquiétude.

Quels changements prévoir pour le rôle de la monarchie britannique à l'étranger

La mort de la reine Elizabeth II est le point culminant d'une période d'incertitude pour la Grande-Bretagne. Ils viennent de changer de Premier ministre il y a quelques jours, le pays fait toujours face aux conséquences désastreuses de la décision du Brexit, une autre crise économique menace portée par l'instabilité mondiale, la flambée des prix de l'énergie et du coût de la vie impactent fortement les ménages et la récession semble très proche.

Mais la mort de la reine pourrait surtout marquer la fin d'une époque pour les liens de la monarchie britannique dans le monde. Elizabeth II a servi son pays pendant la seconde guerre mondiale, a présidé la tourmente de l'ère post-coloniale et post-impériale, a vu le pays rejoindre la Communauté européenne en 1973 puis divorcer de l'Union européenne 4 décennies plus tard.

La monarchie britannique a beaucoup d'influence dans le monde, avec 56 États souverains (dont le Royaume-Uni) formant le Commonwealth, une organisation "diplomatique" dont elle est à la tête. En 2018, ces pays ont décidé à l'unanimité que Charles, alors prince des Galles, deviendrait le prochain chef du Commonwealth après la mort de la reine (en théorie, n’importe qui dans l’organisation peut être à la tête de l’organisation, il n’a pas besoin d’être le monarque britannique).

Elisabeth II n'était pas seulement la reine du Royaume-Uni, à la tête du Commonwealth. Elle était aussi la cheffe d'État de 14 autres pays formant le royaume du Commonwealth (dont l'Australie, le Canada, la Jamaïque et la Nouvelle-Zélande). Cependant, s'il était largement admis que la reine régnait sur ces pays, certains d'entre eux pourraient vouloir saisir l'opportunité d'un changement de trône pour rompre le lien avec la couronne britannique.

Même sous le règne de la reine, la position du monarque a fait l'objet de débats attentifs dans de nombreux pays. The Economist nous rappelle qu'au début de son long règne, Elizabeth II a été cheffe d'État de 32 pays; mais à sa mort, elle le restait pour seulement 15 d'entre eux, y compris le Royaume-Uni.

En novembre 2021, la Barbade est devenue une république, remplaçant la reine et le haut-commissaire (qui est le représentant du monarque britannique dans le pays) par un président doté des mêmes pouvoirs et fonctions que le monarque. C'est devenu effectivement le 17e pays à destituer la reine à la tête de l'État. L'île Maurice fut le précédent à prendre une telle décision en 1992 et le Belize a indiqué récemment qu'il pourrait suivre la décision de la Barbade.

Au moins six pays des Caraïbes ont signalé leur intention de retirer au monarque britannique le role de souverain de leur. Ces pays sont le Belize, les Bahamas, la Jamaïque, la Grenade, Antigua-et-Barbuda et Saint-Kitts-et-Nevis, tous d'anciennes colonies britanniques qui ont accédé à l'indépendance au cours de la seconde moitié du XXe siècle.

Le Premier ministre d'Antigua-et-Barbuda, Gaston Browne, a indiqué la semaine dernière qu'il avait l'intention d'organiser un référendum sur la république "dans les trois prochaines années". Il a déclaré à ITV :

"Cela ne représente aucune forme de manque de respect envers le monarque. Ce n'est pas un acte d'hostilité, ni aucun problème entre Antigua-et-Barbuda et la monarchie. C'est une dernière étape pour boucler le processus d'indépendance et devenir une véritable nation souveraine. "

Plus tôt cette année, la Jamaïque a également confirmé son intention de supprimer le role de monarque et 56% des Jamaïcains soutiennent l'idée.

L'Australie n'a pas encore de plan, mais cela fait l'objet de débats depuis un certain temps maintenant. En 1999, ils organisèrent un référendum et décidèrent de garder la reine à la tête de l'État, mais le résultat fut très serré. Cependant, depuis la mort de la reine, le Premier ministre Anthony Albanese a déclaré dans une interview à la radio que ce n'était pas le moment de parler de devenir une république et qu'il ne poursuivrait pas de référendum au cours de son premier mandat.

En Nouvelle-Zélande, la Première ministre Jacinda Ardern a déclaré lundi dernier qu'elle arrêtait le mouvement pour devenir une république... du moins pour l'instant.

Bien qu'il ne semble pas y avoir de plan au Canada (et le premier ministre Justin Trudeau a rejeté l’idée même de discuter du sujet, malgré 58 % des Canadiens en faveur d’un référendum, selon un récent sondage), et bien que les dirigeants de Papouasie-Nouvelle-Guinée, des Îles Salomon et de Tuvalu aient exprimé leur soutien à la monarchie ces derniers jours, cela ne signifie pas que nous ne verrons pas certains changements d'ici peu de temps, en commençant probablement par les Caraïbes.


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 Auteur: Cyrilexpat |  2022-09-20 06:18:11


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