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Les funérailles de la Reine Elizabeth II : une organisation hors du commun

La Reine de 96 ans est décédée jeudi 8 septembre 2022 à Balmoral en Écosse entourée de son fils Charles, le prince de Galles devenu roi, et de sa fille la princesse royale, Anne.

La Reine Elizabeth II était le monarque ayant eu le plus long règne au Royaume-Uni et le deuxième pour grand pays, derrière le roi de France Louis XIV (toutefois ce dernier, bien qu'il ait été proclamé roi à l'âge de 4 ans, n'a vraiment commencé à régner pleinement qu'à 13 ans et est mort à 76 ans ; on peut donc considérer qu'il n'arrive qu'en deuxième position).

Pour la plupart des gens, elle a été la seule Reine britannique dont ils se souviennent. Tout au long de son règne, elle a été décrite pour sa gentillesse, sa discrétion et sa réserve. Même au moment où le Brexit menaçait de briser le pays, il était impossible de savoir exactement si elle était pour ou contre l'appartenance à l'Union européenne. Tout ceci pourrait expliquer pourquoi elle était épargné et respectée même par les tabloïds anglais pourtant souvent haineux et sans merci.

Contrairement à son fils, l'actuel roi Charles III, connu pour avoir des opinions tranchées sur certains sujets tels que l'environnement et l'architecture, c'est presque comme si elle était surtout appréciée car elle était silencieuse, n'exprimant aucune opinion en public. "C'était une relique d'une époque où la monarchie devait être lue à distance, comme les feuilles de thé, l'objet d'une interprétation étroite, d'indices visuels tacites", a déclaré Miranda Sawyer dans GQ.

En privé, elle peut avoir été différente, car ses interlocuteurs parlaient souvent de son sens de l'humour et de ses conseils avisés. L'une des meilleures nécrologies est certainement venue de Justin Trudeau, le premier ministre canadien qui a parlé avec ce qui semblait être une émotion sincère :

En 70 ans, le monde a énormément changé : le Royaume-Uni s'est adapté à la perte de son empire, est passé d'un pays industriel à une économie de services, s'est adapté à son statut de puissance mondiale décroissante, rejoignant puis quittant l'Union Européenne, a vu l'Ecosse organiser un vote pour se séparer... mais la Reine était toujours là.

Elizabeth II a été un marqueur de continuité, semblant toujours la même (bien qu'elle soit passée d'une jeune femme frêle à une vieille dame souriante) et faisant les mêmes choses. Il est souvent dit que la Reine se rendait au même endroit chaque année pour ses vacances, utilisait la même marque de vêtements, portait le même sac noir, prenait le même petit-déjeuner. Comme une routine, même s'ils ne pouvaient pas toujours l'écouter, les Britanniques savaient qu'elle diffuserait son message à la nation chaque 25 décembre. En avril 2020, dans la tourmente du Covid, elle était encore là pour s'adresser au peuple britannique et lui dire que "des jours meilleurs reviendront".

Pour la plupart de ses compatriotes, elle était le socle dont tout le monde pensait qu'il serait là pour toujours, une présence persistante, un ancrage de stabilité, le symbole du pays et la dernière grande institution britannique.

L'annonce tout en lenteur de la mort de la Reine

"La Reine est décédée paisiblement à Balmoral cet après-midi. Le roi et la Reine consort resteront à Balmoral ce soir et retourneront à Londres demain". Ce sont les deux seules phrases utilisées par Buckingham Palace à 18h30 le jeudi 8 septembre pour annoncer à mort de la Reine Elizabeth II.

Depuis la fin de la matinée ce même jour, la BBC avait modifié ses programmes pour une mise à jour continue sur l'état de la Reine alors que les nouvelles devenaient de plus en plus alarmantes, avec les annonces que "suite à une évaluation plus approfondie ce matin, les médecins de la Reine sont préoccupés par la santé de Sa Majesté et ont recommandé qu'elle reste sous surveillance médicale. La Reine se repose confortablement à Balmoral" et que la famille proche se rendait immédiatement à Balmoral.

Il y a eu des spéculations selon lesquelles certaines personnes savaient déjà plus tôt cet après-midi que la Reine était décédée. Guido Fawkes a publié une message à 15h06 annonçant le décès, avant de le supprimer rapidement. Tout le monde à la BBC a revêtu des vêtements sombres et des cravates noires, mais on ne savait toujours pas qui savait quoi, tout le monde semblant attendre la déclaration officielle.

La Première ministre britannique Liz Truss a été informée de la mort de la Reine à 16 h 30, mais elle savait que la Reine était gravement malade avant d'entrer au Parlement pour faire une déclaration majeure sur les factures d'énergie jeudi matin. A 12h21, pendant les interventions au parlement, un petit bout de papier a également circulé entre les premiers bancs et les regards perplexes sur les visages indiquaient que quelque chose d'important s'était passé.

Il a été rapporté plus tard que l'utilisation du mot "confortable" était un message codé avertissant de la mort imminente de la Reine. Un journaliste de la BBC a déclaré: "Ils nous ont offert une avance de six heures avec l'utilisation du mot 'confortable', ce qui est mieux que d'annoncer brutalement la nouvelle comme ils l'avaient fait pour le duc d'Édimbourg".

Opération London Bridge : de 10 jours d'événements après la mort de la Reine

Ayant régné plus de 70 ans (le pays venait de fêter le jubilé de platine de la Reine en juin dernier), toutes les autorités et médias ont eu tout le temps de se préparer. Dans l'industrie de la presse, il est bien connu que l'on a toujours de nombreux articles déjà préparés pour la mort d'une célébrité et prêts à être publiés quelques minutes après que l'événement fatal se soit produit (il y a deux ans, la radio française RFI a publié par accident des dizaines de nécrologies de personnes bien vivantes). La BBC aurait jusqu'à 48 heures de programmes prêts à diffuser en cas de décès de la Reine, en plus des reportages en direct.

Pour les autorités britanniques, tout était également parfaitement prêt depuis des décennies et la procédure bien documentée jusque dans les moindres détails. L'opération London Bridge (également connue sous le nom de code "London Bridge is down", qui était la façon dont la mort de la Reine devait être communiquée au Premier ministre par le secrétaire privé de la Reine) est le plan funéraire de la Reine Elizabeth II et son ébauche date des années 1960. Le plan (pas si secret) n'a cependant été révélé en détail qu'en 2017 lorsqu'il a été divulgué dans le journal britannique The Guardian mais également obtenu par Politico avec des détails substantiels l'an dernier. Parallèlement à l’opération London Bridge a également été mis en œuvre l’opération Licorne, qui est le plan en cas de décès de la Reine en Écosse.

Plus d'un million de personnes font actuellement la queue pour rendre hommage devant le cercueil de la Reine, et le jour des funérailles, ils s'attendent à ce que 2000 personnes soient entassées dans l'abbaye de Westminster, dont principalement des chefs d'État et des personnalités importantes. Il s'agit donc aussi d'une opération de sécurité méticuleusement préparée et planifiée qui implique une énorme organisation, incluant diverses administrations du gouvernement britannique, l'Église d'Angleterre, le Metropolitan Police Service, les forces armées britanniques, les médias, les parcs royaux, les arrondissements de Londres, la Greater London Authority et la régie des transports de Londres.

Les 10 jours qui suivent la mort de la Reine suivent une chorégraphie particulièrement complexe. Le jour où la Reine meurt est appelé jour J, tandis que chaque jour suivant sera appelé J+1 et J+2 et ainsi de suite. Cependant, en raison de l'annonce tardive en début de soirée, la plupart des événements prévus pour le jour J de jeudi ont été déplacés au vendredi, considéré comme étant en fait le jour J+0.

Après la mort de la Reine Elizabeth II jeudi, son fils, le prince Charles, est automatiquement et immédiatement devenu monarque – et dans son cas, il est devenu le roi Charles III, et sa femme, Camilla duchesse de Cornouailles, est devenue la Reine consort.

• J+0, vendredi 9 : Le roi Charles III et Camilla rentrent à Londres après avoir passé la nuit à Balmoral jeudi. Le nouveau Roi a eu différentes rencontres, notamment avec le Premier ministre. Il a fait une adresse à la nation à 18 heures. Auparavant, 96 coups de canon – un pour chaque année de la vie de la Reine – avaient été tirés à Hyde Park.
• J+1, samedi 10 : Charles est formellement proclamé nouveau souverain lors d'une cérémonie au St James's Palace de Londres. Le roi a tenu différentes audiences avec son Conseil privé et le Premier ministre. William, duc de Cambridge, est nommé prince de Galles. Le prince et la princesse de Galles ont été rejoints par le duc et la duchesse de Sussex pour observer les fleurs laissées par le public à l'extérieur du château de Windsor, en hommage à la Reine. Un jour férié a également été approuvé pour le jour des funérailles, le lundi 19 septembre.
• J+2, dimanche 11 : Le cercueil est transporté par la route de Balmoral au Palais de Holyrood à Édimbourg, résidence officielle écossaise de la Reine.
• J+3, lundi 12 : Le roi Charles III et la Reine consort se rendent au Westminster Hall de Londres où les deux chambres du Parlement présentent leurs condoléances au nouveau monarque. Puis ils sont retournés en Écosse pour une cérémonie. Le roi Charles a alors dirigé la procession de la famille royale pendant que le cercueil de la Reine était transporté du palais de Holyrood à la cathédrale Saint-Gilles à proximité, où des membres de la famille proche se sont recueillis. Les membres du public ont pu voir le cercueil et rendre hommage au défunt durant 24 heures à partir de 17 heures.
• J+4, mardi 13 : Le cercueil de la Reine est transporté par avion à Londres (initialement il était supposé prendre le train royal). Le roi Charles III et Camilla sont retournés à Londres après avoir passé la nuit à Balmoral jeudi, puis ont visité le château de Hillsborough en Irlande du Nord, puis se sont rendus à la cathédrale Sainte-Anne, avant de retourner à Londres.
• J+5, mercredi 14 à J+9, dimanche 18 : Le cercueil, surmonté de la célèbre couronne impériale, a été transporté de Buckingham Palace à Westminster Hall, le plus ancien bâtiment abritant le Parlement britannique, à l'issue d'une procession à travers Londres. Le cercueil de la Reine est exposé et ce moment marque le début d'une période de 4 jours où le peuple peut défiler devant le cercueil pour se recueillir (le processus de gestion des files d'attente est connu sous le nom d'Opération Plume). La file d'attente est ouverte 24h/24 du mercredi 14 septembre 17h, au jour des obsèques, le lundi 19 septembre, 6h30.
  Jeudi, la file d'attente pour voir le cercueil de la Reine était déjà longue de plus de 6.5 km.

The queue to see the Queen lying in state has passed Tower Bridge and is now over 4 miles long, as thousands wait to pay their respects to the late monarch. pic.twitter.com/HzKiCzjJ8k

— The Royal Family Channel (@RoyalFamilyITNP) September 15, 2022

Vendredi, la file d'attente est devenue longue de près de 8 km et la capacité maximale prévue par l'organisation avec un départ au parc Southwark a été atteinte ; ils ont dû interrompre momentanément les nouvelles entrées. Les personnes ont été initialement informées qu'il y avait plus de 24 heures d'attente lorsque la file d'attente fut rouverte. Le compteur officiel de la file d'attente montrait que le samedi matin, le temps d'attente était de 16 heures !



Selon The Independent, les médecins ont déjà soigné des centaines de membres du public le long du parcours de la file d'attente, pour des évanouissements et des chutes, entraînant des blessures à la tête. Beaucoup d'entre eux ont dû être transportés à l'hôpital.

Dans l'intervalle, des représentants des royaumes du Commonwealth se sont également joints à l'hommage et le Roi et la Reine consort ont assisté à plusieurs réunions. Vendredi soir, les quatre enfants de la Reine (le roi, la princesse royale, le prince Andrew et le comte de Wessex) se sont tenus en silence aux quatre côtés de l'estrade funéraire de Westminster Hall et se sont recueillis pendant 15 minutes. Samedi soir, c'était au tour des huit petits-enfants de la Reine de faire de même.

Downing Street a annoncé qu'une minute de silence aura lieu dimanche soir à 20 heures BST pour "se recueillir et réfléchir sur la vie et l'héritage de la Reine Elizabeth II".

• J+10, lundi 19 : C'est le jour des funérailles nationales de la Reine. Le cercueil sera transporté sur un chariot à canon jusqu'à l'abbaye de Westminster, suivi de la famille royale. Deux mille chefs d'État, premiers ministres et présidents, membres de la famille royale européenne et personnalités de la vie publique se réuniront également dans l'Abbaye. Après les funérailles, le cercueil de la Reine sera conduit de Londres à Windsor dans le corbillard officiel, puis emmené à la chapelle Saint-Georges du château de Windsor.

La Reine sera enterrée à la chapelle commémorative du roi George VI, annexe de la chapelle principale à Windsor. C'est là que d'autres membres de la famille royale sont déjà enterrés, dont sa mère et son père et les cendres de sa sœur la princesse Margaret.

Ensuite, la dépouille de son mari, le prince Philip, qui a été enterré en avril dernier, sera déplacée de la voûte royale de la chapelle Saint-Georges à la chapelle commémorative du roi George VI afin qu'il puisse être inhumé au côté de la Reine.

Une période de deuil royal pour les membres de la famille royale et des foyers royaux sera observée jusqu'à sept jours après les funérailles de la Reine le 19 septembre, se terminant le 26 septembre.

La Reine est morte, et avec elle une certaine idée d'un "royaume uni". Vive le Roi, et l'avenir montrera comment il entend laisser sa marque dans l'histoire.

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 Auteur: Cyrilexpat |  2022-09-18 13:53:35

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