Le travail à distance comme nouvelle normalité



Publié le 2020-08-25 13:23:51
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Le travail à domicile s'est largement répandu dans le monde en raison de la pandémie de Covid-19. La plupart des analystes considèrent aujourd'hui que même dans les cas des entreprises qui étaient auparavant réticentes à autoriser le travail à distance, celles-ci s'apercevront rapidement des avantages de cette flexibilité, à la fois en termes de productivité, mais aussi en termes de réduction des coûts, et qu'il sera ainsi impossible de revenir au statut avant-crise.

Paul, qui travaille pour une société de gestion d'actifs à Londres, explique: « Pour nous, 3 jours au bureau sera la nouvelle norme, avec un jour où tout le monde devrait être là en même temps et 2 jours de travail à domicile par semaine, même lorsque la pandémie prendra fin ». A Paris, un collaborateur de la société de médias SFR déclare: « Avant la pandémie, c'était déjà un jour de travail à distance chaque semaine. Pendant le confinement,, tout le monde dans notre département travaillait à domicile et depuis début août notre équipe a été divisée en deux, avec une semaine de travail entièrement à distance et 4 jours au bureau la deuxième semaine en rotation avec l'autre équipe ».

Il est clair que la pandémie de coronavirus a transformé les habitudes de travail de nombreuses entreprises. Dans la période actuelle, personne n'entendrait le chef de service dire à un collaborateur: "Tu ne peux pas travailler de chez toi ce jour-là car ce n'est pas dans la culture de l'entreprise" (véritable affirmation entendue en 2007, du directeur informatique d'une grande banque française). La nouvelle norme est plus susceptible d'être : désolé, vous ne pouvez pas vous rendre au bureau en raison des restrictions dues au covid-19 !

Du bricolage pendant le confinement

Il faut tout d'abord garder à l'esprit que le travail à domicile n'est une possibilité que pour une partie des travailleurs. De nombreux emplois doivent encore se rendre sur un lieu de travail, même pendant la période de confinement : pensez aux médecins hospitaliers, aux infirmières, aux employés de supermarché, aux chauffeurs de bus et de train, aux nettoyeurs, etc. Dans le cas de la mise en place du travail à domicile, quasimment du jour au lendemain, de nombreuses sociétés ont pu découvrir que finalement, cela fonctionnait plutôt bien. Julie, qui travaille pour un hebdomadaire à Paris depuis plus d'une décennie a ainsi répondu : "Avant mars, on pensait toujours que faire le magazine à distance était impossible. Et maintenant on fait ça chaque semaine depuis 4 mois!".

Alors que les pays du nord de l'Europe (et scandinaves en tête de liste) ont l'habitude depuis bien longtemps de permettre aux travailleurs de travailler depuis chez eux, avec une approche flexible du travail, la rigidité a caractérisé le sud de l'Europe jusqu'à très récemment. Dans des pays comme la Suède (33%), l'Islande ou le Royaume-Uni, environ 25% des employés travaillaient souvent à domicile avant la crise alors que le chiffre est inférieur à 3% en Espagne (et seulement 7% ont essayé au moins une fois) ou 1,2% en Italie selon les données d'Eurostat. Il faut dire que la moyenne européenne se situe plutôt autour de 8% (avec la France à 20% entre ceux qui pratique régulièrement et les occasionnels).

El Confidencial, un journal espagnol en ligne fondé en 2001, écrit:

« La culture du 'présentéisme', c'est à dire être assis au même siège pendant le même nombre d’heures chaque semaine, être là quand votre patron arrive et quand il rentre chez lui, est la principale raison du manque de succès du télétravail en Espagne. »

Dans leur article, ils citent un employé travaillant en Espagne dans le marketing sur Internet en disant:

"J'ai demandé récemment si nous pouvions le faire, mais le patron voit le télétravail comme un jour férié. La mentalité du siècle dernier, de nous avoir tous sous contrôle au même endroit, persiste."

La plupart des entreprises interdisaient encore complètement le travail à domicile avant 2020, tandis qu'une minorité mettait timidement en place un programme avec un ou deux jours par mois sur la base du bénévolat, par exemple. BNP Londres avait ainsi un plateau d'espace flexible, mais pas de travail flexible permis, ce qui signifie que l'adjectif était uniquement applicable au fait que personne n'avait son bureau défini (premier arrivé, premier servi le matin). Le travail flexible n'était toujours pas dans la «culture» de l'entreprise en 2019.

On peut donc facilement imaginer l'énorme effort qui a été nécessaire pour que chacun puisse travailler à domicile en quelques jours à partir de la mi-mars. La grande majorité des salariés n'étaient pas équipés, même sans évoquer le fait que la plupart d'entre eux ne disposaient pas d'espace dédié à leur domicile pour pouvoir travailler : au cours des premières semaines, de nombreuses tables de cuisine ou de salle à manger ont été réquisitionnées !

L'encadrement s'est parfois trouvé perturbé, certains d'entre eux se sont visiblement retrouvés sans utilité. Howard, directeur d'une société de logiciels à Londres, explique:

« Lorsque les gens travaillent à distance, vous devez changer les habitudes de travail en présentiel : vous ne pouvez pas faire le tour des bureaux, voir ce que font vos employés, les interrompre de temps en temps pour demander quelque chose. ... etc. Au lieu de cela, vous devez définir des tâches précises, suivre régulièrement les progrès (mais pas trop car cela pourrait être contre-productif) et passer en revue les réalisations et les difficultés ».

Plus de la moitié des salariés ne sont pas pressés de retourner au bureau

Aviva, une compagnie d'assurance, a publié une étude sur le retour au travail des employés britanniques. Dans l’enquête, plus de 2 000 adultes britanniques employés ont été interrogés sur leur attitude face au retour au travail. Parmi ceux-ci, 42% ont passé le confinement au travail à domicile, 26% ont continué à travailler dans leur lieu d'affaires habituel, 21% ont été congédiés et 6% ont continué à travailler à différents endroits dans un métier clé (par exemple, plombier, électricien, etc.) . Un autre 5% ne travaillaient pas et n'étaient pas en congé.

Aviva affirme que, bien que le coronavirus ait affecté tout le monde de différentes manières en fonction d'un certain nombre de facteurs, notamment l'âge, l'industrie et le lieu géographique (par exemple, seuls 29% des 16-24 ans se disent préoccupés par le risque d'être infectés par des collègues contre 44% dans tous les groupes d'âge, les plus de 55 ans étant les plus concernés - 49%) :

«la plus grande préoccupation des jeunes qui retournent au travail est la confusion et le manque de communication à propos de la distanciation sociale (39%). Soulignant l'importance de la communication, les jeunes étaient également les plus critiques de la communication de leur employeur, avec seulement 14% jugeant la communication avec leur employeur comme «excellente» - bien en deçà de la réponse moyenne de 25% de ceux qui ont évalué la communication de l'employeur comme «excellente». "

Il est à noter que moins de la moitié (49%) des travailleurs sont optimistes quant à un retour au travail. Alors que la période de confinement a pu affecter la motivation de certains employés (21% des jeunes employés ont déclaré que les changements engendrés par le confinement ont affecté leur bonheur, tandis que seulement 7% des employés de plus de 55 ans ont déclaré que le confinement avait eu un impact sur leur santé mentale), d'autres apprécié la flexibilité et le temps gagnés en évitant les longs trajets pour aller au travail.

L'enquête a également révélé que si 61% de ceux qui retournent au travail croient que leur employeur rendra le milieu de travail sûr pour leur retour, de nombreuses entreprises ont encore un long chemin à parcourir pour se conformer pleinement au plan en cinq points du gouvernement britannique concernant les précautions liées aux dangers de contamination du coronavirus, y compris l'évaluation des risques Covid-19, la distanciation sociale et le nettoyage.

Les entreprises prévoient de ramener leur personnel en présentiel

Avant la crise pandémique, Aviva a publié une étude affirmant que 4 millions de travailleurs britanniques travaillaient déjà à domicile (sans s'empêcher d'écrire "travailler en pyjama" sic !). Graham Major, qui possède et dirige GJM Talent, un cabinet de conseil en recrutement, leur a déclaré :

"En tant qu'employeur, si vous offrez de la flexibilité, votre vivier de talents sera plus grand - vous pourrez attirer plus de personnes. Vous réduisez également légèrement vos coûts. Par exemple, de combien de bureaux avez-vous besoin? Les employés sont plus heureux, un peu plus reposés, paient moins pour les déplacements et plus productifs. Et les employés ont tendance à être plus motivés et plus loyaux envers leur employeur. "

Une récente enquête de l'institut anglais CIPD montre que, si de nombreuses entreprises se concentrent sur le retour des employés sur le lieu de travail dans les semaines et les mois à venir, beaucoup de travailleurs sont préoccupés :

  • 44% ont hâte de retourner au travail, contre 62% pour ceux qui ont un problème de santé sous-jacent.
  • 53% avec des responsabilités accrues du fait de la crise sanitaire sont anxieux de revenir.
  • 31% des répondants se sentaient anxieux au sujet de leur trajet, passant à 52% pour ceux de Londres.

L'enquête affirme que «la flexibilité, le bien-être, la santé et la sécurité sont des priorités pour les sociétés qui rouvrent leurs lieux de travail. Il est impératif de prendre en compte les circonstances individuelles, telles que les conditions de santé existantes, la façon dont les gens se rendent au travail et les responsabilités de soins. "

Une intégration à long terme dans les nouvelles habitudes de travail de l'entreprise

La CIPD prévoit lui-même de faire travailler 37% de son personnel à domicile après la crise pandémique, contre 18% auparavant. Comme nous l'avons dit au début de cet article, certaines autres entreprises au Royaume-Uni envisagent déjà un mélange de 3 jours au bureau et 2 jours de chez eux, ou vice-versa.

En Allemagne, selon Fraunhofer-Gesellschaft, un organisme de recherche, 42% des entreprises allemandes qui ont participé à leur enquête publiée en juillet 2020 ont décidé d'étendre la possibilité du travail à distance. Allianz, la compagnie d'assurance basée à Munich a publié une déclaration qui aura désormais des conséquences permanentes pour l'ensemble du groupe avec ses quelque 150 000 employés dans le monde : ils s'attendent à ce qu'à long terme, jusqu'à « 40% des employés travailleront à domicile ». «Mais un nombre plus élevé est également possible», a déclaré Allianz membre du conseil d'administration Christof Mascher du Handelsblatt. Chez Siemens, les employés pourront à l'avenir travailler à domicile trois jours par semaine.

Même tendance dans le secteur de la haute technologie aux États-Unis, où le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, a déclaré en mai que la pandémie avait déclenché un profond changement vers le travail à distance et il s'attendait à ce que dans dix ans, environ un employé sur deux du géant des réseaux socaiaux travaille en dehors des locaux de la société.

Encore de la résistance dans certains pays

En Italie, une enquête menée en mai 2020 a examiné les raisons pour lesquelles les gens ne travaillaient pas à domicile avant le verrouillage. Il a été constaté que les politiques des entreprises étaient la principale raison, près de 65% des répondants indiquant l'interdiction du travail à distance comme cause de ne pas travailler à domicile. Mais les habitudes sont encore difficiles à perdre : la mairie de Milan a demandé à la plupart de ses employés de revenir travailler dans leurs bureaux depuis la fin du confinement en mai.

L'avenir du travail

De nombreuses entreprises réfléchissent déjà à l'avenir du travail après la crise du covid-19. Et beaucoup de questions se posent : quel équipement sera nécessaire? Comment connaître les collègues avec lesquels nous travaillerons et garder «l'esprit d'équipe» qui était plébicité auparavant ? Ont-ils toujours besoin de la même quantité d'espace de bureau si le personnel travaille en partie à domicile? Est-ce que tout le monde peut / veut travailler à domicile ou devrait-on proposer une alternative flexible comme un espace partagé et des bureaux satellites (certaines entreprises proposent déjà des espaces de coworking tels que Regus, WeWork ou Spaces)? Et surtout, que faut-il changer ou renforcer dans la loi pour réglementer les nouvelles méthodes de travail?

Selon une évaluation du Centre pour la recherche économique européenne (ZEW), de nombreuses entreprises en Allemagne (y compris dans l'industrie) veulent garder cette flexibilité de travail à domicile après la crise sanitaire. Le responsable allemand du cabinet de conseil en management Bain & Company, Walter Sinn, suppose qu'à l'avenir 20 à 30 pourcent des postes de travail de bureau en Allemagne seront superflus. Chez Allianz, ils ont déclaré qu'environ 30% des espaces de bureaux ne seraient probablement plus nécessaires à long terme. Selon la direction, même 50% des frais de déplacement pourraient être économisés. Cependant, alors que la quantité de locaux doit être évaluée, il est essentiel de s'assurer que les employés disposent d'un équipement adéquate, a déclaré un membre du conseil d'administration de la compagnie d'assurance.

En France, le droit du travail a prévu un cadre réglementaire pour le travail à distance depuis 2017, préconisant un accord avec les représentants du personnel, ou, en son absence, un ajout au contrat de travail. Le salarié doit avoir le choix et le travail à distance ne peut être imposé (sauf circonstances exceptionnelles comme la pandémie actuelle). Une plage horaire de travail doit également être définie et un équipement approprié doit être fourni.

Plus important encore, pour que le travail à distance réussisse, les employeurs doivent considérer le travail comme une série de projets plutôt que comme une série d'heures. Comme l’a dit un manager habitué au travail à distance dans l’industrie du marketing: « En réalité, je me fiche que cela vous prenne six ou huit heures. au final, c’est le produit terminé qui compte ».


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Rubrique:
Travail

Auteur: Cyrilexpat
French & British national
CEO Habilis Digital Ltd
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